Françoise Huguier, " Pince-moi, je rêve", voyages étranges
Françoise Huguier n'est pas une voyageuse ordinaire et la retrospective que lui consacre la MEP , le confirme. Les mondes qu'elle a saisi dans son objectif sont aussi attirants que repoussants, parfois d'une beauté étrange. L'expo commence par la série sur sur le Cambodge et un retour sur son histoire personnelle. Comme elle le raconte dans son livre autobiographique, la petite Françoise a été enlevée en 1950 en Indochine par les Viet-Minh et séquestrée dans la jungle durant huit mois. Des lettres de l’époque et les vêtements qu'elle portait au moment de l’attaque et de l’enlèvement sont exposés en contrepoint des photos actuelles, émouvant ! Au premier étage, la visite se poursuit par une sélection efficace de ses expéditions les plus fortes. De " l'Afrique fantôme" sur les traces de Michel Leiris, superbes noir et blanc de l'Afrique à + 40°, on plonge en Sibérie à - 40°, dans la salle concomitente. Ces portraits de ce monde polaire sont stupéfiants et magnifiques.
Dans l'autre partie de l'expo, on redécouvre son travail très déroutant sur les appartements communautaires de St Petersbourg les " Kommunalki" et un reportage très particulier sur "les nonnes" de Colombie, des petits formats réalisés comme des images pieuses, curieux.
Mais la photographe, entre ses voyages et ses carnets photographiques, a aussi shooté pour la mode, à la grande époque du journal Libération, dans les années 80. J'ai adoré son regard décalé sur les coulisses de la Fashion. Quel oeil !
Le parcours de l'expo se termine par une série sur l'Asie du Sud-Est avec, entre autres, de drôles de portraits, volontairement figés de jeunes coréens, sur fond rose malabar. J'ai beaucoup apprécié les textes des panneaux signés Gérard Lefort qui ponctuent chaque séquence de l'expo , en resituant la démarche de Françoise Huguier ; un guide indispensable car les tirages ne sont pas tous accompagnés de cartels.
En fait, ce voyage muséal achevé , on éprouve l'envie de se replonger davantage dans chacune des expéditions de Françoise Huguier. C'est possible, moyennant un certain budget, car les photos sont remarquablement bien publiées dans les catalogues édités par Actes Sud et Maeght. Foncez à la librairie du musée.
Pour compléter l'expo de la MEP, la galerie Polka consacre ces cimaises jusqu'au 2 aôut à Françoise Huguier. Les collectionneurs pourront si offrir des tirages vintages ou contemporains de ses " étranges beautés."
Enfin pour vraiment tout savoir sur Françoise Huguier, il faut absolument lire son autobiographie qui vient de paraître: Au doigt et à l'oeil : Autoportrait d'un photographe , éditions Sabine Wespieser . Vif et passionnant !
http://www.mep-fr.org/evenement/francoise-huguier-2/